ĒNARRŌ

Année 135 avant J.C., un navire marchant originaire de l'est de la méditerranée, très probablement du port de l'île de Délos,  fait route vers l'ouest. Il est chargé de bols en verre de Syrie et de Palestine, de poteries de Pergame, d'amphores à vin de Rhodes, de lampes d'Ephèse et de bien d'autres articles (étains, bronzes, louches, oenochoés...). Sa route se termine tragiquement dans le golfe de Baratti, au large des côtes toscanes, à proximité de l'antique port étrusque de Populonia. Le navire de 18m de long et 3m de large coule avec sa cargaison et gît par 18m de fond jusqu'à sa découverte en 1974.

 

Il est alors appelé Relitto del Pozzino en lien avec la plage toute proche. Deux campagnes de fouilles en 1982 puis entre 1989 et 1990 permettent de mettre à jour sa cargaison, mais personne ne s'attendait à la formidable découverte que livra ce navire...
 

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

                        Localisation du Relitto del Pozzino

​

​

​

​

La cargaison comprenait tout un équipement médical témoignant de la présence d'un médecin à bord du navire. Un coffre en bois détruit par des siècles passés dans l'eau de mer révèle son contenu : 136 fioles en buis, une tasse (probablement utilisée pour les saignées), un mortier et de nombreux objets formant une trousse de médecin. Le plus intéressant est la découverte d'une boite en étain (pyxide) hermétiquement fermée dont le contenu a été miraculeusement conservé après 2 150 ans dans l'eau de mer.

​

Les rayons X ont mis en évidence un contenu stratifié à l'intérieur de cette boite. Les chercheurs trouvent 5 comprimés en forme de disque d'environ 4cm de diamètre et d'une épaisseur maximale de 1cm. L'examen d'un comprimé montre clairement une impression sur sa surface laissé par la pression d'un tissu.

​

L'analyse chimique d'un disque révèle que l'élément principal est le zinc (75%), sous forme d'hydrozincite et de smithsonite. Les composants minéraux représentent plus de 80% de la composition du comprimé. Les composés organiques sont nombreux et leur identification plus complexe : amidon issu de la farine de blé, cire d'abeille, graisse animale, huile végétale, résine de pin, charbon végétal, nombreux pollens (surtout d'olivier) très probablement provenant d'une ruche.

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

​

Même si le principe actif d'un médicament n'est pas nécessairement le plus abondant, l'efficacité des composés à base de zinc nous est rapportée par Pline l'Ancien ou Dioscoride, en particulier pour la préparation de médicaments pour les yeux ou en dermatologie. Il est possible que certains composants résultent d'une contamination du médicament (charbon végétal, pollens?), d'autres, par contre, ont été volontairement rajoutés. C'est le cas en particulier de la résine de pin, qui par ses propriétés antioxydantes et antiseptiques, a évité le rancissement de la préparation et le développement de microbes.

​

Enfin, le terme latin collyrium dérive d'un nom grec dont la traduction correspond à "petits pains ronds" ce qui permet de penser que ces comprimés sont compatibles avec une utilisation ophtalmique.

 

 

Cet échantillon est le plus ancien médicament au monde jamais analysé. Il confirme la maitrise des propriétés des ressources naturelles par médecins de l'antiquité. Après des siècles de progrès technologiques certaines de ces substances sont encore utilisées de nos jours...